La passion pour la mathématique

Publié le : 26 octobre 202119 mins de lecture

« Mathématiques, aujourd’hui, j’ai chez moi, parmi mes livres les plus chers, une splendide édition, en traduction anglaise, des œuvres de quatre grands mathématiciens de l’Antiquité : Euclide, Archimède, Apollonius de Perga et Nicomachus de Gerasa. Après avoir lu certains d’entre eux au cours des années passées, j’ai ressenti le besoin de suivre leur chemin dans l’interprétation et l’analyse conséquente des mathématiciens modernes. C’est ainsi que, dans la même capacité profane de ces génies avec lesquels il s’était tourné vers l’histoire de la physique, ce mathématicien a découvert que les mathématiciens modernes avaient perpétré un véritable crime de trahison contre cette merveille de la pensée humaine, en profitant d’une faiblesse apparente dans l’une des énonciations euclidiennes les plus célèbres : le soi-disant « cinquième postulat » sur les parallèles qui ne se rencontrent pas sur un plan ». Déclare un mathématicien.

Informations préliminaires

Bien sûr, la géométrie d’Euclide, comme toute géométrie (à supposer qu’il en existe une autre), ne peut que se fonder sur un certain nombre de concepts primitifs, qui sont intuitivement affirmés sans démonstration, précisément parce qu’ils sont primitifs, et ce postulat en est un exemple classique. Cela ne signifie pas qu’Euclide pouvait supposer qu’un jour il viendrait à l’idée de quelqu’un de nier sa vérité intuitive et factuelle, afin de construire des châteaux remplis de monstrueux « fantômes mathématiques », alibis de « fantômes physiques » tout aussi monstrueux, tels que ceux que le mathématicien invite à visiter dans l’entrée « Parallèles » de l’Enciclopedia Italiana.

La plus terrifiante est sans doute celle du célèbre mathématicien Henri Poincaré : « (…) Imaginons un monde enfermé dans une sphère (…). Tous les corps appartenant à notre monde sont soumis à la même loi de dilatation lorsque la température varie, de sorte que celle-ci peut être mesurée par la longueur de tout corps (…) ». Le reste est absolument inimaginable et semble être une sentence excessive pour la naïveté du pauvre Euclide.

On peut se faire une idée plus précise des échecs causés dans l’imagination des mathématiciens modernes par le rejet de ce postulat en lisant le chapitre « Géométrie non euclidienne » de l’entrée « Géométrie » de l’Enciclopedia Italiana. Le deuxième front de la bataille pour les droits de la connaissance, après celui de la physique, s’ouvre donc sur le terrain théorique des mathématiques. C’est sur ce terrain que s’est établie, à l’époque contemporaine, une alliance perverse entre deux distorsions complémentaires, concourant à proportion égale contre l’abstraction mathématique, d’une part, et la concrétude physique, d’autre part.

« Bien que je ne pense pas que l’on puisse raisonnablement donner – avec des mathématiques sérieuses, une géométrie autre qu’euclidienne. Il ne s’agit donc pas du traité systématique d’une nouvelle géométrie. Mon propos est seulement d’ajouter aux fondements d’Euclide un caractère qui, après lui, devra attendre Archimède pour être clairement introduit dans les entités mathématiques : à savoir, l’argument cinématique ». Déclare-t-il.

Enlevez toute raison d’être aux « fantômes mathématiques »

On verra que cela suffit, en premier lieu, à enlever toute raison d’être aux « fantômes mathématiques » mentionnés et à leur fonction de soutien de leurs frères physiques. Mais il est également indispensable de tirer certaines conséquences involontaires d’une lecture appropriée des grands mathématiciens de l’Antiquité. Il intercalerait en italique, là où il convient, au texte des principes géométriques proprement dits, progressivement numérotés, quelques précisions et clarifications.

Une géométrie qui se dit « fondamentale » est telle si ses fondements sont des caractères absolument primitifs et irréfutables de l’espèce humaine. Bien sûr, il sera toujours possible que celles que nous énoncerons apparaissent à l’imagination de quelqu’un ni primitives ni irréfutables. Ce mathématicien ajoute donc simplement que la géométrie dont nous traitons ne s’adresse qu’à ceux qui partagent cette qualité.

1°) Le premier « fondement » est la perception, quant à son origine sensorielle.

2°) Le second « fondement », l’abstraction (ou idéalisation), est l’apanage de l’esprit humain : il consiste à dépouiller idéalement une perception de toute concrétude, à la porter à des limites absolues.

Un exemple d’abstraction de la perception est le concept de « point », qui dans les langues classiques, comme en italien, est l’idéalisation d’une sensation de piqûre, ou du signe de celle-ci (en grec, stigmé ou semeion).

Chapitre II : les nombres premiers géométriques

Nous renvoyons à l’entrée citée de l’Enciclopedia Italiana pour l’histoire de l’évolution de la géométrie aux différentes époques. Nous ne donnons ici qu’une idée du terrain périlleux sur lequel nous nous déplaçons, en rappelant que, parmi les diverses tentatives faites par certains mathématiciens pour transformer le cinquième postulat d’Euclide en théorème, la redéfinition des lignes parallèles de « lignes qui ne se rencontrent pas » en « lignes équidistantes » s’est soldée par un échec. Girolamo Saccheri (XVIIe-XVIIIe siècle) a observé qu’une ligne qui est définie comme le lieu géométrique des points équidistants d’une ligne donnée n’est pas prouvée comme étant une « ligne » elle-même.

La géométrie fondamentale définit les premières entités géométriques comme le résultat des deux fondements. Les exemples de perceptions dont ils sont extraits peuvent être divers, et donc également différents de ceux donnés ci-dessous.

3°) Le point est l’abstraction d’une piqûre perçue, ou d’une marque de stylo extrêmement petite.

Euclide définit le point comme « ce qui n’a pas de parties ».

4°) La ligne est l’abstraction d’un fil non façonné.

Euclide la définit comme « une longueur sans largeur ».

5°) La ligne droite est l’abstraction d’un fil tendu entre deux pôles.

Pour Euclide, il s’agit d’une « ligne dont les points sont égaux ».

6°) Une surface est l’abstraction de l’extérieur d’un corps.

Euclide la définit comme « ce qui n’a que la longueur et la largeur ».

7°) Un plan est l’idéalisation de la surface d’une table.

L’exemple nous permet de clarifier la genèse des entités géométriques : un inculte construit une table sans connaître la théorie géométrique ; ce n’est que plus tard, en devenant plus cultivé, qu’il l’abstrait jusqu’au concept de  » plan « .Euclide dit que le plan est  » une surface qui s’étend également aux droites qui s’y trouvent « .

8°) Un volume est l’abstraction de l’intérieur d’un corps.

Chapitre III : Les entités « a priori » : l’espace et le temps

Il utilise l’expression kantienne inégalée comme une abstraction, elle-même, d’une perception.

9°) L’espace est une idéalisation de la perception des intervalles entre les corps.

10°) Le temps est une idéalisation de la perception de la variation des intervalles entre les corps, c’est-à-dire une abstraction de la perception du mouvement des corps.

C’est ainsi que l’élément « cinématique », que l’on retrouvera chez Archimède, est introduit dans la géométrie euclidienne. Les concepts de « mesure », avec les unités conventionnelles, d’espace et de temps et celui de « vitesse » restent implicites.

Chapitre IV : Entités géométriques dérivées et « propriétés » géométriques

En répétant qu’il ne s’agit pas d’un traité systématique de théorie géométrique, le mathématicien omettrait les détails (par exemple, le segment comme partie d’une ligne, d’un rayon, d’une ligne ouverte, d’une ligne fermée, etc.), m’arrêtant seulement aux définitions et « théorèmes » les plus significatifs qui découlent des principes ci-dessus et de l’introduction du mouvement en géométrie.

11°) L’angle plan est la partie du plan traversée par un rayon en rotation autour de l’origine. Les côtés de l’angle sont les positions de départ et d’arrivée du rayon.

Euclide définit l’angle d’une manière différente. L’angle est la première des nombreuses entités géométriques (triangle, carré, cercle, etc.) que ce mathématicien appelle « dérivées », parce qu’elles remontent aux huit chapitres II et III et ne nécessitent pas de référence aux deux fondements (chap. I).

Commençons maintenant les constructions géométriques nécessaires pour déterminer les « propriétés » géométriques des entités dérivées, sur lesquelles reposent les « théorèmes » ultérieurs de la géométrie fondamentale. Ce mathématicien n’utiliserait pas de figures dessinées des procédures, invitant les lecteurs à traduire graphiquement par eux-mêmes la description qu’il donnerait dans le texte.

13°) Soit donnés sur un plan une droite et un point extérieur à celle-ci. On trace idéalement de ce point à la ligne droite une série continue de segments (comme pour la rotation d’un rayon), mis de gauche à droite, en notant la longueur décroissante jusqu’à un minimum, au-delà duquel elle commence à croître. Nous appellerons ce segment minimum la distance du point par rapport à la ligne droite.

14°) On observe que le premier segment (toujours de gauche) divise le demi-plan en deux angles, respectivement majeur et mineur. En allant vers la droite, lorsque la longueur du segment diminue, l’angle gauche diminue et l’angle droit augmente. Lorsque cette longueur touche le minimum (distance du point par rapport à la ligne droite), les deux angles deviennent égaux ; puis le premier, continuant à diminuer, devient plus petit que le second, qui continue à augmenter.

Dans la condition géométrique du segment représentant la distance du point à la ligne droite, les deux angles égaux sont dits droits et le segment est dit perpendiculaire à la ligne droite. Un angle supérieur à un angle droit est obtus ; s’il est inférieur, il est aigu.

15°) On dit que l’extrémité du segment perpendiculaire qui est sur la droite est la projection de l’autre sur la même droite.

16°) THEORME : Pour un point situé à l’extérieur d’une ligne ou en un point de la ligne, on ne peut mener qu’une seule perpendiculaire à la ligne.

Cela est démontré par le fait que, par les sous-sections 13°-15°, un segment perpendiculaire à la ligne en un point extérieur à celle-ci ou en un point sur celle-ci est un.

Chapitre V : Les lignes parallèles

17°) On dit parallèle à une droite donnée sur un plan une autre droite dont les points sont tous équidistants de la première.

18°) THÉORÈME : Pour un point situé à l’extérieur d’une droite, il n’y a qu’une seule parallèle qui passe, étant déjà prouvé dans la définition que les deux droites ne se rencontrent pas et étant plutôt à prouver que celle définie « parallèle » est en fait une droite, comme la droite donnée. (Voir la critique susmentionnée de Saccheri, chap. II).

Tracer un segment perpendiculaire à une droite et délimiter sur celui-ci un segment incluant l’extrémité du premier. Déplacez le système des deux segments sur le plan, de sorte que le segment sur la ligne suive la ligne elle-même. Il s’ensuit que tout point du système articulaire, y compris l’autre extrémité du segment perpendiculaire, tracera sur le plan une ligne comme celle suivie par le second segment. La ligne tracée par l’extrémité du premier segment qui n’est pas sur la ligne droite est donc elle-même une ligne droite et est parallèle à la ligne droite donnée, car tous ses points sont équidistants de celle-ci. De plus, il n’y en a qu’un seul, car l’extrémité du segment perpendiculaire est obligée de suivre un seul chemin : celui lié au système articulaire.

De cette façon, c’est-à-dire en introduisant dans la géométrie euclidienne l’aspect cinématique, qui sera celui d’Archimède, le Vème postulat d’Euclide s’est transformé en théorème.

La quadrature du cercle : suite des « Principes de la géométrie fondamentale », chapitres I-V

Chapitre VI : La géométrie des compas

Lorsque les mathématiciens modernes parlent de la boussole, ils ne savent pas vraiment comment elle fonctionne, parce qu’ils n’ont pas reconnu la véritable description qu’en donne Archimède dans la première de ses définitions dans son traité « Sur les spirales », qui est le suivant et qui est aussi notre prochain paragraphe :

19°) Si une ligne tracée sur un plan tourne avec une vitesse uniforme autour d’une extrémité, qui reste fixe, et revient continuellement à la position d’où elle est partie, et si, en même temps que la ligne tourne, un point se déplace avec une vitesse uniforme le long de la ligne en partant de l’extrémité qui reste fixe, le point décrira une spirale dans le plan.

Comme les modernes, qu’ils soient mathématiciens ou physiciens, n’ont pas d’yeux pour voir, ils n’ont pas remarqué que leurs boussoles très courantes ont non seulement un mouvement de rotation, mais aussi un autre mouvement d’ouverture linéaire. Si, au lieu de ne faire que tourner l’instrument pour dessiner des cercles, ils l’avaient utilisé avec les deux mouvements à une vitesse uniforme, ils auraient été étonnés de « voir » finalement sur leur feuille de dessin – au lieu d’un cercle – la spirale que nous appelons « d’Archimède », et qui a un pas constant, car le rayon est proportionnel à l’angle de rotation. La pointe extérieure du compas se déplace précisément le long d’une ligne droite dans le mouvement d’ouverture et cette ligne idéale tourne avec l’instrument pendant qu’il continue à s’ouvrir.Nous avons donc trouvé le bon compas pour démontrer le théorème du paragraphe suivant, sans rien de propre (sauf les particularités de la procédure suivie), mais sur la base exclusive des découvertes mathématiques du grand Archimède. Il sera parfaitement inutile d’évoquer les conclusions de Lindemann (1882) sur la transcendance de pi, qui concernent les cercles réalisés avec les compas des « aveugles » et non la spirale d’Archimède. Cependant, celui des boussoles n’est pas le seul problème, comme nous le verrons dans un instant.

20°) THEOREM : Avec l’utilisation des compas, tels que décrits par Archimède, et de n’importe quelle équerre, il est possible de « rectifier » une circonférence de rayon donné et donc, avec des procédures déjà connues, de « quadriller » le cercle.

Après avoir établi que les boussoles à utiliser ne doivent pas servir à faire des cercles mais à dessiner une spirale, nous entrons dans un deuxième champ de mines. Il est vrai, en effet, qu’Archimède, après cette définition, démontre avec les théorèmes 18, 19 et 20 que sa spirale permet de rectifier la circonférence (et, évidemment, nous nous limitons ici à rappeler ces théorèmes, qui ont déjà été absolument démontrés). Et il est tout aussi vrai que les modernes, même s’ils ont pu mal comprendre la fonction des compas, connaissent sans doute la démonstration d’Archimède, que les lecteurs trouveront citée et décrite dans le numéro consacré à Archimède par « LE SCIENZE », dans la série « I grandi della scienza ». Mais il reste une difficulté qui semble insurmontable dans la phase de construction géométrique, même après le tracé de la spirale avec les compas redéfinis : c’est la détermination de la tangente – indispensable pour la procédure – en un point de la spirale, qu’Archimède ne fait que théoriquement. À juste titre, Pier Daniele Napolitani, auteur de la brochure maintenant citée, lorsqu’il dit : « Archimède détermine la rectification de la circonférence », ajoute : « ou, mieux, il réduit le problème de la rectification à celui du tracé de la tangente à la spirale ». Il ferait ensuite remarquer que, pour le procédé particulier qu’il va maintenant décrire, il suffit de tracer la tangente non pas en un point déterminé de la spirale, ce qui est impossible avec les instruments en question, mais en un point non prédéterminé, ce qui peut se faire, comme nous allons le voir immédiatement.

Tracez avec les compas, comme décrit par Archimède, une spirale dont l’origine est le pôle O. Après le premier tour et avant la fin du second, chaque rayon de la spirale sera divisé en deux segments : le plus petit à l’intérieur, avec son extrémité dans le pôle, et le plus grand à l’extérieur, avec son extrémité sur la spirale. Le segment le plus important est le « pas » constant de la spirale. Dessinez un rayon OH avec une origine au pôle, qui traverse la spirale entre le premier et le deuxième tour. Déplacer le carré PQR le long de OH de H à O jusqu’au point B de tangence du cathétus PQ avec la spirale (Archimède, « Sur les spirales », théorème 13). En traçant le rayon OB, prolonger la tangente PBQ jusqu’au point T où elle rencontre la sous-tangente, c’est-à-dire la perpendiculaire à OB dans O.

Sur le rayon OB du segment CB se trouve le pas de la spirale. A partir de C, diriger la parallèle vers BT jusqu’à ce qu’elle rencontre la subtangente en D. A partir des théorèmes 18, 19 et 20 d’Archimède, on montre que le segment DT est la circonférence rectifiée du rayon OB. Puis, après avoir tracé le segment OV=DT sur la sous-tangente, traçons le segment BV. Sur le rayon OB, donnons un rayon quelconque d’une circonférence à rectifier : par exemple, ON. Si nous prenons la parallèle à BV de N à la rencontre avec la subtangente en M, OM sera le segment qui rectifie la circonférence donnée, par l’évidente loi de proportionnalité. En utilisant les procédures déjà connues, nous allons ensuite procéder à la construction d’abord du rectangle OEFG équivalent au cercle donné, puis du carré OXYZ de même surface.

Ainsi se réalise la vision de Dante dans le dernier canto de la Divine Comédie, lorsqu’il se compare au « geomètra che tutto s’affige / per misurar lo cerchio, e non ritrova, / pensando, quel principio ond’elli indige ». Après sept siècles, le principe a été trouvé.

 

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