Des mathématiques de Léonard de Vinci à la pensée systémique

Publié le : 26 octobre 20216 mins de lecture

Léonard a vite réalisé que les mathématiques pouvaient être un excellent outil de représentations de ses recherches, à savoir la description des formes vivantes de la nature dans leurs mouvements et transformations continus. Au lieu d’utiliser les mathématiques, il a souvent eu recours au dessin pour caractériser graphiquement ses observations dans des images d’une incroyable beauté, capables de remplacer les diagrammes mathématiques.

Un instrument révolutionnaire

Les dessins scientifiques de Léonard – qu’ils représentent des éléments de machines, des structures anatomiques, des formations géologiques, des écoulements d’eau turbulents ou des détails botaniques d’espèces végétales – ne sont jamais des représentations réalistes d’une seule observation. Il s’agit plutôt de synthèses d’observations répétées, rendues sous la forme de modèles théoriques. Lorsqu’il dessinait précisément les contours des objets, il s’agissait d’images conceptuelles plutôt que réalistes, alors que lorsqu’il réalisait des images réalistes d’un objet, il rendait les contours flous en les représentant tels qu’ils apparaissent réellement à l’œil humain.

Outre l’exploitation de ses talents phénoménaux de dessinateur, Léonard a également utilisé une approche géométrique pour représenter les formes de la nature. L’aspect de la géométrie qui fascinait particulièrement Léonard était sa capacité à représenter des variables continues. Léonard avait compris qu’une mathématique des quantités continues serait nécessaire pour décrire les mouvements et transformations incessants qui se produisent dans la nature. Bien que la théorie des fonctions et le calcul différentiel lui fassent manifestement défaut, il a pu étendre la géométrie, expérimentant de nouvelles interprétations et de nouvelles formes qui préfigureront ses développements ultérieurs.

Nouvelles idées et perspectives

Contrairement à la géométrie euclidienne, qui concerne des figures rigides et statiques, la vision de la géométrie de Léonard est intrinsèquement dynamique. D’une part, Léonard a utilisé la géométrie pour étudier les trajectoires et autres types de mouvements complexes dans les phénomènes naturels et, d’autre part, il a utilisé le mouvement comme un instrument pour démontrer les théorèmes géométriques. Léonard définit cette façon de procéder comme « la géométrie qui se prouve avec le mouvement » ou « qui se fait avec le mouvement ». La physique du comportement collectif et de ce que l’on appelle aujourd’hui la « complexité » est née avec la physique statistique vers la fin du XIXe siècle et a connu ses premiers succès grâce à l’action combinée de différentes disciplines et perspectives, qui ont permis de relier, par le biais des distributions de probabilité, les quantités macroscopiques de la thermodynamique aux quantités microscopiques du mouvement moléculaire.

Sur la base de la constatation qu’il y avait très peu de situations dans lesquelles il était possible d’obtenir une situation analytiquement « fermée » pour la grande majorité des équations différentielles, qui décrivent précisément les changements dans le temps et l’espace d’une structure dynamique, la théorie qualitative des équations différentielles est née, par des géants comme Poincaré et Ljapunov, qui se concentre moins sur les détails du processus d’évolution que sur les états d’équilibre, sur les bifurcations et sur les classes d’évolution possibles pour le même système dans des conditions différentes. Et c’est dans ce contexte qu’est née la fameuse théorie du chaos : à mesure que le nombre de variables augmente et pour des fonctions de plus en plus compliquées (non-linéarité), des comportements sont possibles où se manifeste une énorme variété d’états d’équilibre (les attracteurs).

Schémas conceptuels croisés de la théorie de l’information

Ces outils trouvent un foyer épistémologique dans les schémas conceptuels croisés de la théorie de l’information (Shannon, 1948), de la cybernétique (Wiener, 1948) et de la théorie des systèmes (von Bertalanffy, 1968). En particulier, nous pouvons dire qu’avec la théorie générale des systèmes élaborée par le biologiste autrichien Ludwig von Bertalanffy, la pensée systémique, développement naturel de la science des qualités de Léonard, est née comme un véritable mouvement culturel autonome et particulier. Bertalanffy pensait que les phénomènes biologiques nécessitaient une approche holistique et a tenté de fonder sa théorie générale des systèmes sur une base biologique solide dans laquelle la pensée évolutionniste – basée sur les concepts de changement, de croissance et de développement – renverrait à une nouvelle science de la complexité.

Bien qu’il n’ait pas été en mesure de résoudre le dilemme introduit par la deuxième loi de la thermodynamique (c’est-à-dire de fournir une explication de la raison pour laquelle l’évolution des systèmes vivants évolue vers un ordre et une complexité croissants, alors que le monde matériel inerte en arrière-plan est dominé par un désordre croissant), Bertalanffy a néanmoins reconnu que les organismes vivants sont des systèmes ouverts qui ne peuvent être décrits dans les termes de la thermodynamique classique et restent loin de l’équilibre dans un « état stable » caractérisé par un flux continu d’énergie et de matière provenant de leur environnement.

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